Ces certificats numériques, uniques et infalsifiables, attestent de l’authenticité d’œuvres d’art, de produits de luxe et même de biens immobiliers, avec un niveau de sécurité inégalable. Comment sont créés les NFT ? S’agit-ild’un bon investissement ? On vous dit tout.
L’œuvre vidéo de l’artiste new-yorkais Kevin McCoy, mise en vente sur Internet en 2014 accompagnée d’un certificat de propriété numérique inscrit dans la blockchain Namecoin, est considérée comme le premier NFT de l’histoire.
En une décennie, les jetons non fongibles, ou NFT (non-fungible token), ont permis l’essor du marché de l’art numérique et apporté des solutions à des secteurs reposant sur le caractère authentique ou traçable de leurs produits – le luxe, notamment.
Vous avez dit jetons non fongibles ?
Un jeton (token en anglais) est un petit fichier informatique où sont consignées différentes informations sur un produit ou un bien, ainsi que l’historique complet des échanges et des transactions dont il a fait l’objet. Comme le bitcoin ou l’ethereum, les NFT sont créés et enregistrés dans des blockchains, d’immenses registres réputés inviolables et infalsifiables.
Les NFT possèdent toutefois une particularité qui suffit à expliquer leur succès : ils sont non fongibles, c’est-à-dire irremplaçables, quand un bitcoin peut être échangé contre un autre bitcoin, en tout point identique.
Un jeton non fongible est donc unique. Si rien n’empêche d’éditer une œuvre d’art numérique en plusieurs exemplaires, chaque jeton fait référence à une copie précise de la photo ou de la vidéo. Un peu comme lorsqu’un artiste crée une série numérotée de lithographies.
C’est quoi en pratique ?
En achetant un NFT, vous devenez propriétaire d’un jeton stocké sur une blockchain qui atteste de l’authenticité d’un bien. Ce document constitue un titre de propriété et, à l’instar de la carte grise d’un véhicule, répertorie les caractéristiques du produit et toutes les informations permettant de l’identifier et de le localiser. Le jeton ne contient pas en revanche l’objet même du certificat, juste l’adresse où est enregistré le fichier informatique. Ou dans le cas d’un bien physique, un numéro de série ou un numéro de cadastre s’il s’agit d’un actif immobilier.
Sans NFT, pas de marché de l’art numérique
Les artistes n’ont pas attendu la blockchain pour s’emparer des outils numériques. En l’absence d’éléments suffisants pour attester de l’authenticité des œuvres, les transactions étaient rares, les maisons d’enchères et les galeries se montrant réticentes à engager leur responsabilité sur de tels produits. L’apparition des NFT a changé la donne. Première œuvre associée à un NFT, Quantum, de Kevin McCoy, a fait de nombreux émules – elle a d’ailleurs été remise en vente par Sotheby’s en 2021 et adjugée pour 1,5 million de dollars.
Du côté des acheteurs, les NFT apportent l’assurance qu’ils disposent de l’œuvre originale, la seule à posséder de la valeur, quand bien même l’on peut télécharger une infinité de copies sur Internet. La blockchain empêchant toute duplication ou falsification, les NFT génèrent la rareté. Un peu comme un livre imprimé à des centaines de milliers d’exemplaires, mais dont un seul porte la dédicace et la signature de l’auteur.
Collections et spéculation
Des entreprises ont rapidement perçu l’intérêt des NFT et se sont emparées de la technologie pour transformer le plomb en or. Ou plutôt vendre à prix d’or des créations sans réel intérêt artistique. Des collections sont ainsi apparues, telles les Bored Apes et les Cryptopunks, représentant respectivement des singes et des avatars de personnages. Ces collections comptent quelques milliers de pièces uniques et numérotées – qui s’échangent à des tarifs échappant à la raison. Jusqu’à plusieurs millions d’euros pour les plus courues !
Les séries Bored Apes et Cryptopunks ont chacune généré plus de milliards d’euros d’échanges depuis leur lancement. Investir dans ces collections hautement spéculatives n’est pas sans risque. Le site Dappradar, spécialisé dans les actifs numériques, estime que les 100 plus grandes collections de NFT auraient vu leur valeur fondre de 76% en 2022, passant de 19 à 4,7 milliards de dollars en pleine crise des cryptos et des valeurs technologiques.
La spéculation est aussi de mise dans le domaine du jeu et du sport. La start-up française Sorare, à l’origine d’un jeu de gestion sportive, commercialise des cartes des joueurs de football du monde entier, dont les plus rares dépassent les 600 000 euros. De son côté, la plateforme NBA Top Shot propose de collectionner des vidéos des plus belles actions des stars de la ligue de basketball américaine sous forme de NFT. Là encore, les prix s’affolent et certaines capsules vidéo très prisées s’échangent à des centaines de milliers de dollars.
Dans le luxe, les vins…
Confronté au phénomène de contrefaçon, le secteur du luxe s’intéresse de près à ces certificats numériques pour authentifier et sourcer les produits. Plusieurs géants (LVMH, Prada, Richemont, Mercedes-Benz…) se sont associés pour développer Aura, une blockchain spécialisée ouverte à tous les acteurs du luxe. Louis Vuitton y enregistre les étapes de production de certains articles. Il suffit dès lors aux clients de scanner un QR code avec leur téléphone pour s’assurer de l’authenticité de leur achat et accéder à des informations relatives à l’origine des matériaux utilisés.
Toujours dans l’univers du luxe, mais dans les chais cette fois, la plateforme Wokenwine Transparency s’adresse aux vins et aux grands crus en particulier. La spéculation autour des plus beaux flacons entraîne en effet la prolifération de fausses bouteilles reprenant l’étiquette et le bouchon des châteaux les plus prestigieux. Grâce à Wokenwine, chaque bouteille est associée à un NFT. Le certificat numérique renferme ici des données sur le vignoble, le millésime, mais aussi l’historique des ventes et indique, le cas échéant, si la bouteille a été volée.
Le groupe Partouche, propriétaire d’hôtels et de casinos, voit de son côté dans les jetons non fongibles un outil propre à attirer et fidéliser une nouvelle génération de clients. À l’occasion de son cinquantenaire, le groupe a émis une collection de NFT baptisée Joker Club, donnant droit à des crédits de jeu supplémentaires dans les casinos, des réductions sur les hôtels et les restaurants, l’accès à des tournois de poker privés.
650.000 dollars pour acheter un yacht virtuel
Les jetons non fongibles trouvent d’autres débouchés, parfois étonnants. Les éditeurs de jeux vidéo y ont recours afin de vendre des outils, des personnages, des armes et des pouvoirs extraordinaires aux utilisateurs désireux d’améliorer leurs scores. En 2022, la société de production NFT Studios a pour sa part commercialisé une série de 10 000 jetons destinés à financer le film On a wing and a prayer, contre la promesse de recevoir une part des bénéfices et de rencontrer les acteurs.
Les NFT ont par ailleurs colonisé les mondes virtuels, les fameux métavers chers à Meta, la maison mère de Facebook, où ils servent à acheter et acquérir des biens virtuels, terrains, îles privées, avatars, etc. Les transactions les plus folles ont lieu dans le métavers The Sandbox. Une société immobilière américaine n’a pas hésité à y débourser 4,3 millions de dollars pour devenir propriétaire d’une parcelle. Un particulier a quant à lui acheté un yacht virtuel, le Metaflower Super Mega Yacht, pour l’équivalent de 650 000 dollars…
Un autre NFT a défrayé la chronique, celui du premier message publié sur Tweeter en 2006 par Jack Dorsey, le créateur du réseau social. En investissant 2,9 millions de dollars en mars 2021, l’acheteur, un certain Sina Estavy, espérait en tirer une jolie plus-value. Las, les enchères tournent au désastre, la meilleure offre plafonnant à… 280 dollars !
Acheter, garder et vendre des NFT
La gestion des jetons non fongibles s’apparente au processus en vigueur pour les cryptomonnaies. Leur achat s’effectue sur des plateformes spécialisées qui supervisent l’inscription dans les blockchains moyennant une commission. Parmi les principales places de marché NFT, on compte des acteurs généralistes comme Opensea et Blur, des spécialistes de l’art (Rarible, Superrare et Nifty Gateway – ce dernier étant à l’origine des plus importantes transactions, à commencer par la vente de l’œuvre The Merge pour plus de 90 millions de dollars), du jeu vidéo (Axie Marketplace) ou du sport (Ethernity).
Pour acquérir des NFT, il faut un portefeuille numérique pouvant accueillir des cryptomonnaies et des jetons non fongibles, puis y déposer des fonds – dans la devise numérique en vigueur sur la blockchain utilisée par la place de marché : ethereum, binance coin, cardano, solana ou bitcoin. La suite est aussi simple qu’un achat en ligne sur Amazon !
Faut-il assurer ses NFT ?
La nature même des jetons non fongibles et leur hébergement dans la blockchain constituent une protection efficace contre le vol. Le risque de piratage des portefeuilles cryptos est limité, au point que nombre d’experts jugent inutile de souscrire une assurance pour les œuvres d’art numériques.
Une compagnie propose néanmoins une offre destinée à couvrir les risques pesant sur les actifs numériques : YAS (yas.io/en/NFTY), une start-up assurancielle de Hong-Kong associée pour l’occasion à Generali.
Une vitrine pour les NFT «made in France»
Inaugurée le 19 octobre 2022, en présence de Jean-Noël Barrot, le ministre délégué à la Transition numérique, la NFT Factory constitue un lieu de rencontre unique où le grand public et les professionnels peuvent échanger et partager leur expérience des NFT.
Installée au centre de Paris, en face du Centre Pompidou, la NFT Factory propose expositions d’œuvres numériques, ateliers d’initiation et de découverte, tables rondes, débats et cycles de formation. L’objectif ?
Promouvoir les NFT auprès des particuliers, mais aussi connecter les professionnels du secteur pour faire émerger en France un écosystème performant. Car, comme le déclare Jean-Noël Barrot, «avec ses acteurs mondiaux de la culture, des jeux vidéo et de l’industrie du luxe, notre pays a tous les atouts pour devenir une plateforme européenne et mondiale des NFT.»
Le mode d’emploi pour créer et vendre vos propres œuvres
N’importe quel photographe ou artiste amateur peut proposer ses œuvres à la vente sous forme de NFT. L’opération reste toutefois plus complexe
et coûteuse que de publier une annonce sur eBay ou Leboncoin ! Voici comment procéder.
Pour obtenir un NFT, il faut «minter», c’est-à-dire créer et enregistrer le jeton numérique dans une blockchain qui en certifie l’authenticité. L’opération exige de faire appel à une plateforme spécialisée qui facturera ses services. Le montant de la commission varie généralement en fonction du prix de vente du NFT. Les transactions s’effectuant en devises numériques, la mise en vente d’un NFT impose de posséder un portefeuille crypto. Depuis votre ordinateur, lancez un navigateur Internet et rejoignez le site Opensea.io, la principale plateforme de NFT au monde.
Créez votre portefeuille crypto
Pointez sur le bouton «Connect wallet» en haut de la page, puis sur Metamask par exemple afin d’ouvrir un portefeuille auprès de ce prestataire. Vous êtes ensuite invité à intégrer l’extension Metamask au navigateur, puis à définir un mot de passe et à noter une phrase de sécurité qui vous permettra de restaurer l’accès à votre portefeuille en cas de problème.
Revenez sur le site Opensea et appuyez sur la touche de fonction F5 du clavier pour rafraîchir la page. Cliquez sur Explore, Metamask et associez votre nouveau portefeuille.
Importez une photo ou votre œuvre numérique
Cliquez sur la zone délimitée par des pointillés et désignez le fichier que vous souhaitez transformer en NFT. Complétez le formulaire en indiquant le nom de l’œuvre et validez l’enregistrement du NFT.
Fixez le prix de vente
Cliquez à présent sur le bouton bleu «List for sale» à droite de la page. Entrez le prix désiré dans la zone «Set a price» en gardant à l’esprit que la devise utilisée ici est l’ethereum, dont le cours s’établissait à environ 1 800 euros début juillet. Tapez par exemple 0.1 pour une mise à prix de 180 euros. Validez. La commission de la plateforme sera automatiquement déduite des fruits de la vente.
Entretien avec Enzo Hallot, fondateur de Crypto Patrimoine
«Fiscalement, les NFT ne peuvent pas être considérés comme des œuvres d’art»
On pointe souvent du doigt les risques liés aux NFT. Est-il vraiment plus risqué d’investir dans un NFT que d’acheter une photo ou un tableau dans une galerie ?
Comme n’importe quel investissement, les NFT présentent des risques. Liés à la volatilité – les prix pouvant connaître de fortes fluctuations et donc entraîner de grands gains, mais aussi de lourdes pertes – et à l’illiquidité. Étant donné l’unicité des NFT, il peut être difficile de trouver un acheteur, en particulier en période de baisse du marché. Ne minimisons pas non plus les effets de la fraude et de la manipulation du marché, comme le wash trading [vente et achat du même bien, simultanément, pour créer une activité trompeuse]. Comparés à l’achat d’une œuvre d’art physique, les NFT présentent des risques différents et plus complexes, nécessitant une compréhension de la technologie blockchain et du marché des NFT.
Quelle stratégie adopter ? À quel moment investir ?
Je recommande de faire preuve de prudence, de comprendre ce dans quoi vous investissez, et de n’investir que ce que vous pouvez perdre. Le marché des NFT étant extrêmement volatil, il s’avère difficile de choisir le bon moment pour acheter. Il est cependant préférable d’éviter les périodes de hausse rapide des prix, souvent signe d’une bulle spéculative. Outre l’art et la musique, je suis convaincu qu’il y a un potentiel énorme dans d’autres domaines, comme l’immobilier virtuel et les objets de collection numériques.
Quelles règles fiscales s’appliquent aux plus-values liées à la cession de NFT ?
La fiscalité des NFT est complexe. Sans règles claires, il faut naviguer et tenter de «deviner» le meilleur régime applicable aux plus-values. A priori, les NFT ne peuvent pas être considérés comme des œuvres d’art, car la loi requiert un travail manuel de l’artiste, ce qui n’est pas le cas ici. Qualifier les NFT d’actifs numériques semble être la solution la plus raisonnable, fiscalement parlant. L’imposition est alors de 30% sur les plus-values si vous optez pour la flat tax ou au taux du barème progressif. L’imposition en tant que bien meuble incorporel à un taux de 36,2% (19% d’impôt sur le revenu + 17,2% de prélèvements sociaux), avec un abattement de 5% par an après deux ans de détention, pourrait être une solution si l’on détient l’actif durant une longue période. Il n’existe toutefois encore aucune déclaration de ce type à ma connaissance. En cas de doute, la meilleure solution consiste à se rapprocher d’un spécialiste.
Author: Mary Strong
Last Updated: 1699755722
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